Le Capitole est une des sept collines de Rome, mais c’est surtout un lieu intimement lié à l’histoire de Rome dès ses origines, puisque c’est là que fut construit le temple de Jupiter au VIe s. avant J-C par Tarquin le Superbe, dernier des rois légendaires de Rome.
Le Capitole est à ce titre le premier centre religieux de la cité, et c’est ce lieu hautement symbolique que Michel-Ange fut chargé d’aménager en 1536, alors que s’annonçait la visite de l’Empereur Charles Quint (prévue pour 1538).
Moins de dix ans après le fameux Sac de Rome par les troupes du même empereur (1527) qui mit la ville à feu et à sang (1), le pape Paul III souhaite en effet donner de la ville une image honorable : le défi de Michel-Ange est de faire une place prestigieuse d’un site très irrégulier (ci-dessous à g. et au milieu). Un site qui n’est plus ouvert comme dans l’Antiquité vers le côté du Forum, mais vers les quartiers du côté opposé, un site en outre rendu exigu par les constructions médiévales du palais des Sénateurs (côté Forum, sur les fondations du Tabularium antique, XIIe s.) et du Palais des Conservateurs (côté sud, XIIIe- XIVe s.)
Le projet de Michel Ange est très complet, caractéristique de l’esprit renaissant et de son souci de rationalisation : d’un espace irrégulier et exigu, il va faire un espace ordonné et majestueux, articulé autour de la Statue équestre de Marc Aurèle (2) qui en constitue le pivot.
Seule statue équestre monumentale en bronze héritée de l’Antiquité (fin IIe s.), on raconte qu’elle ne doit d’avoir survécu aux destructions que parce qu’elle était considérée comme une effigie de Constantin, le premier empereur chrétien. Cette œuvre unique est donc déplacée en 1538 depuis la Piazza San Giovanni (devant la basilique St-Jean-de-Latran) jusqu’au centre de la place. Son socle est disposé au centre du motif géométrique rayonnant conçu par Michel-Ange, mais réalisé seulement en 1940.
Quels procédés Michel-Ange utilise-t-il afin de régulariser le site? Il remanie largement les façades des deux palais existants (Palais des Sénateurs et Palais des Conservateurs), en plaquant sur toute leur hauteur un ordre colossal, c'est-à-dire des supports (ici des pilastres à chapiteaux corinthiens) s’étirant sur plusieurs niveaux d’élévation (ici deux). Cette formule architecturale nouvelle est inaugurée ici par Michel-Ange et sera reprise pour les façades de la façade de la basilique Saint-Pierre, assurant à la fois l’unité et la majesté de l’ensemble : elle deviendra incontournable pour tous les chantiers de prestige à travers l’Europe. Pour compléter cette unité visuelle nouvelle, Michel-Ange prévoit l'ajout un troisième bâtiment aux deux existants: le Palais Neuf (qui ne sera réalisé qu'au début du XVIIe s.), mais il choisit de l'implanter de façon symétrique, en faisant contrepoint au palais des Conservateurs. Ce faisant, la place devient un espace trapézoïdal, ouvert vers la ville, tournant le dos à la Rome antique et au Forum, pour regarder, comme la statue de Marc Aurèle, du côté de Saint-Pierre, la Rome nouvelle – celle sur laquelle règne le pape.
Cette ouverture mène les promeneurs vers l’escalier qui descend la colline, la Cordonata, aménagée elle aussi par Michel-Ange en même temps que la place.
Les aménagements étant considérables, ils seront en grande partie menés par d’autres architectes selon le projet de Michel-Ange, pour n’être terminés qu’au XVIIe siècle.
Cependant, l’effet visuel reste spectaculaire : en tournant le dos au palais des Sénateurs, l’effet de perspective accélérée créé par la forme trapézoïdale de la place est spectaculaire : elle en accentue la profondeur et en fait oublier l’exigüité. Dans l’autre sens, pour qui se tient au sommet de la Cordonata, tournant le dos à la ville et regardant vers le Palais des Sénateurs, la forme trapézoïdale est corrigée par la convergence du regard: elle donne l’impression d’une place quasiment rectangulaire, et là encore, d’une amplitude qu’elle n’a pas dans la réalité.
Jouant de la sorte sur les perspectives et les effets d’optique, Michel-Ange pose les balises des voies qu’exploreront à l’envi ses successeurs de la génération baroque, en particulier Bernin avec ses aménagements de la Place St-Pierre.
(1) Épisode qui a en outre signé la fin de la Renaissance dite Classique, c’est-à-dire la phase de maturité de la Renaissance (période où la confiance en l’homme et en sa raison) laisse place à un sentiment plus inquiet : c’est la période maniériste, qui correspond à la dernière phase d’épanouissement de la Renaissance. (2) La statue aujourd’hui visible sur la Place est une copie. La statue antique originale est conservée aux musées du Capitole.
Il est intéressant de noter que le pavement de la place, dessiné par Michel-Ange, n'a été réalisé que sous Mussolini. Voici une vue de la place au XIXe siècle : http://photos1.blogger.com/img/299/3412/640/Capitole%20Campidoglia%20Rome.jpg