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Les fontaines de Bernin à la Piazza Barberini à Rome

Dernière mise à jour : 9 juin 2023



En 1625, le pape Urbain VIII Barberini fait l’acquisition auprès des Sforza d’un vieux vignoble agrémenté d’un petit palais sur les pentes du Quirinal, la plus haute des sept collines de Rome. Ce quartier était dans l’Antiquité le lieu de résidence privilégié des Romains fortunés; il était ensuite tombé en ruines... jusqu’au XVIe siècle, lorsque quelques grandes familles décident d’y construire leurs palais : le quartier connaît alors un nouvel essor. Les Barberini y contribueront.

Palais et jardin Barberini tels qu'ils apparaissent dans la Nuova Topografia di Roma de Giovanni Battista Noli (1748)

En effet, Urbain VIII décide de procéder à une reconstruction du palais qu'il vient d'acquérir; il en confie les travaux à l’entreprise Maderno-Borromini. Les sources ne s’accordent pas sur la part prise par Bernin dans les modifications apportées au palais Barberini suite à la mort de Maderno en 1628 : il semble avoir complété et embelli l’ensemble; on lui attribue de façon certaine les façades avant et arrière, la grande salle et le grand escalier (sur plan quadrangulaire).

Cas particulier : le palais possède un autre bel escalier de Borromini (sur plan ovale), faisant du palais l’emblème de la collaboration/rivalité entre les deux architectes les plus talentueux de leur génération.



En 1642, quelques années après avoir achevé le palais Barberini, Bernin crée deux fontaines sur la place du même nom, toujours pour le compte d’Urbain VIII, comme en témoignent les abeilles que l’ont retrouve dans chacune, et qui constituent l’emblème héraldique des Barberini : la fontaine du Triton (Fontana del Tritone, 1642) et la fontaine des Abeilles (Fontana delle Api, 1644).

La fontaine des Abeilles (1644) a été conçue comme un « satellite » de la fontaine du Triton. Celle-ci se situe au milieu de la place; alors que la Fontaine des Abeilles est excentrée, aujourd’hui au coin de la Place Barberini et la la Via Veneto, alors qu’à l’origine elle d’élevait au bas de la place, au coin de la rue Felice-Sistina (résultat d’un déplacement à l’époque moderne pour modifier le tracé de rues). Des gravures anciennes nous permettent de comprendre la fonction de chacune : la fontaine du Triton était entourée de bornes réunies par une barre de fer empêchant les animaux de souiller cette eau réservée à la population. En revanche, le bassin de la fontaine des Abeilles, du côté le plus passant de la place et plus accessible, permettait aux chevaux, mulets et autres bêtes de somme de s’abreuver de l’eau recyclée du grand monument voisin.



Pour cette fontaine des Abeilles, Bernin s’est inspiré d’une petite fontaine érigée par Maderno et Borromini en 1625 au Vatican sur ce même thème. Mais Bernin développe le motif de façon moins artificielle dans une composition de formes naturalistes : la fontaine donne l’impression d’une grande coquille ouverte. Le bassin est constitué d’une des deux demi-coquilles (creuse), l’autre moitié (plate) est dressée à la verticale, présentant une inscription.

“VRBANVS VIII PONTIFEX MAXIMVS

FONTI AD PVBLICVM VRBIS ORNAMENTVM EXSTRVCTO SINGVLORVM VSIBVS SEORSIM COMMODITATE HAC CONSVLVIT

ANNO MDCXLIV PONT XXI »

Transcription: « Le Pontife Suprême Urbain VIII, après avoir construit une fontaine pour l'ornement public de la Ville, fit faire cette fontaine pour l'usage des citoyens l'année 1644, la vingt et unième de son pontificat »


Posées à la charnière de ce bivalve, trois abeilles (emblème héraldique des Barberini) semblent venir se désaltérer à un jet différent, suggérant la douceur de l’eau.



La pièce maîtresse est donc la fontaine du Triton, une des plus originales à son époque à cause de sa dimension organique : elle donne l’impression d’un organisme vivant. Un Triton plus grand que nature à la puissante musculature, agenouillé, levant la tête et les bras pour souffler au ciel un jet d’eau à travers une conque. L’idée découle directement d’un passage des Métamorphoses d’Ovide. Il est à califourchon à la charnière d’une grande coquille ouverte qui recueille les retombées du jet d’eau et les laisse s’égoutter dans un bassin polygonal au niveau du sol. Cette double coquille repose sur les queues de quatre dauphins dans les gueules sont ouvertes dans le bassin inférieur. Ceux-ci soulèvent aussi, avec une symétrie et un ensemble digne d’un numéro de dressage, l’écusson aux trois abeilles des Barberini et les clefs de Saint-Pierre accompagnant la tiare pontificale.


Compte tenu de ces éléments emblématiques et de sa situation, la fontaine du Triton a clairement une vocation politique : en 1642, le pape envisageait la postérité de son nom et de sa famille, déjà attaché au palais voisin. Certains historiens de l’art voient même dans cette fontaine un monument commémoratif de son accession au pontificat, le 6 août 1623, puisque les travaux de la fontaine furent lancés durant l’été 1642. Un document du 19 août 1643 concerne l’alimentation en eau de la fontaine en la présentant comme « récemment achevée ».


La réussite de cette fontaine tient en outre à ses dimensions à la fois naturaliste et poétique, en raison de l’intime adéquation des figures et du jet discontinu qui donne littéralement vie à l’eau, cette eau alternativement jaillissante, puis ruisselante et dégoulinante.



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