Dans le domaine de la céramique, pour obtenir des variantes de couleur, on peut bien sûr utiliser des oxydes métalliques divers, des revêtements différents.
Mais les variations de couleurs peuvent aussi dépendre de l'utilisation de four dans lequel sont cuites les céramiques. Non pas tant de la température du four que de la méthode de cuisson. Une de ces méthodes de cuisson, utilisée depuis l'Antiquité, est ce qu'on appelle la "cuisson en réduction", ou "cuisson réductrice", ou encore "cuisson en oxydo-réduction".
De quoi s'agit-il?
Lors de la phase de cuisson des céramiques, on va fermer les évents du four et introduire dedans du bois vert, ou de la paille humide, du feuillage vert ou tout autre matériau dégageant beaucoup de fumée. Le feu, alors privé d'oxygène va aller "chercher" dans l'argile et / ou son revêtement les moindres molécules d'oxygène (et le carbone va éventuellement se mélanger au revêtement). Le procédé modifie ainsi le composition chimique des matériaux et donc leur couleur.
C'est grâce à ce genre de cuisson réductrice que sont obtenus les décors des fameuses céramiques grecques rouges à figures noires ou et noires à figures rouges.
Retiré du tour du potier et une fois les anses ajoutées, le vase reçoit un décor à base de céramique délayée mélangée à de la cendre végétale (engobe). Cet engobe est de la même couleur que le vase sur lequel il est posé: la couleur noire ne va se révéler qu'à la cuisson, réalisée en plusieurs phases.
1ère phase de cuisson du vase en atmosphère oxydante (évents ouverts) : le vase devient tout rouge (parties peintes et parties non-peintes).
2e phase de cuisson en atmosphère réductrice : le vase devient entièrement noir, et la partie qui a reçu le décor se « vitrifie » devenant imperméable. Si ce sont les figures qui avaient été peintes au préalable, ces figures deviennent imperméables; inversement, si c’est le fond qui avait été recouvert de cette peinture, il devient imperméable.
3e phase : on rouvre les évents laissant à nouveau rentrer l’oxygène dans le four (atmosphère oxydante) : les parties du vase qui n’ont pas été recouvertes d’engobe redeviennent rouges au contact de l’oxygène, mais les parties vernies, devenues imperméables, restent noires.
En céramique, la couleur rouge sang-de-bœuf riche et profonde, est traditionnellement obtenue à partir d'une formule à base de cuivre, grâce à une cuisson réductrice: celle-ci provoque un changement chimique dans l'émail*, qui prend alors une couleur rouge brillant.
Historiquement, cet émail rouge a été obtenu ponctuellement par les potiers chinois, mais ce n'est que sous la dynastie Ming (1368-1644) que les céramistes affinent suffisamment leur technique pour garantir l'obtention d'une couleur optimale. Le secret des émaux rouges è base de cuivre est pourtant perdu au cours du 17e siècle puis retrouvé vers 1680, permettant ensuite une production continue au siècle suivant.
En avril 1885, Hugh C. Robertson, issu d'une famille de céramistes formés au Royaume-Uni, est le premier céramiste américain à reproduire avec succès la glaçure sang-de-bœuf, sur des vases aux formes inspirées des créations chinoises.
Ses explorations dans le domaine des émaux, en particulier de leur couleur et de leur texture font de lui une des figures-clés de la poterie d'art américaine du tournant du 20e siècle.
♦ Exemples illustrés:
Amphore attique* à figure noires
540-530 av. JC
Exekias (signée) - haut. 61,1 cm (Musées du Vatican) – Thème : Achille et Ajax jouant aux dés
Lecythe attique* à figures rouges (vase à huile parfumée pour le corps)
v. 480 av. JC
Peintre de Brygos - haut. 28,4 cm (Metropolitan Museum, NYC) – Thème : musicienne à deux flûtes
Vase
1885-89
Céramiste : Hugh C. Robertson; manufacture Chelsea Keramics Art Works, Massachusetts – grès 21,3 x 8 cm - (Metropolitan Museum, NYC) https://www.metmuseum.org/art/collection/search/20077
*Attique: territoire de la Grèce correspondant à la cité-État d'Athènes, en forme de péninsule s'avançant dans la mer Égée
*Émail / émaux : pâte (utilisée comme revêtement de la céramique) qui a la propriété de se vitrifier à la cuisson ; elle peut être opaque ou transparente. Cette pâte peut être constituée de différents minéraux (silice, kaolin etc. + colorants métalliques donnant la couleur). Le terme est synonyme de glaçure.
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