Le style gothique qui nous est familier est celui des grandes cathédrales françaises de Chartres, Notre-Dame de Paris, Senlis, Bourges, Strasbourg. C'est l' "opus francigenum", le gothique d'Ile-de-France, terme qui rappelle à la fois sa naissance aux abord de Paris, à la basilique Saint-Denis, et son épanouissement dans ce qui constitue alors le coeur du royaume de France.
La basilique Santa Maria del Mar, dans le quartier de la Ribera à Barcelone incarne une autre tendance, qui naît à la fin du XIIe siècle et s'épanouit au XIVe siècle dans la principauté prospère de Catalogne sous la couronne aragonaise: le gothique catalan.
Construite en moins de six décennies (1329-1384) sur les plans de deux architectes Berenguer de Montagut et Ramon Despuig, elle est surnommée la « cathédrale de la mer », par opposition à la cathédrale de l'évêque, la Seu. Cette appellation immortalise l'implication financière des habitants pauvres (pêcheurs, débardeurs) du quartiers portuaire de la Ribera, et les efforts des débardeurs (bastaixos) du port, qui consacraient une journée par semaine à transporter les pierres nécessaires à la construction depuis les carrières royales de Montjuic. Des bas-reliefs métalliques pérennisent ce souvenir jusque sur les vantaux du portail principal.
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Qu'est-ce qui caractérise le gothique catalan?
À l'extérieur, le gothique catalan se caractérise par une importance des horizontales (au contraire du gothique septentrional qui accentue les verticales), par une maçonnerie très présente visuellement (pas de recherche d'évidement des murs), et par l'absence d'arcs-boutants visibles. Les toitures sont plates (donc invisibles pour le spectateur en contrebas) et les clochers souvent polygonaux.
À l'intérieur, le gothique catalan se distingue surtout par une impression d'amplitude de volume et d'un espace intérieur très unifié
- grâce à une hauteur équivalente du vaisseau central et des collatéraux (séparés par des supports très élancés, très espacés les uns des autres dans la nef, et tous identiques)
- grâce à l’absence de transept (et donc de croisée), et des chapelles latérales peu profondes, logées dans l’épaisseur des contreforts. Ce qui explique à l’extérieur une silhouette très homogène, avec un périmètre continu, sans saillies, et l’absence de tour de croisée. Les seules tours cantonnent la façade.
À Santa Maria del Mar, l'élégance dégagée par l'intérieur découle aussi du choix très harmonieux des proportions (33 m de largeur totale, et 33 m de hauteur sous voûte - càd. presque équivalente à la hauteur sous voutes de N-D de Paris, 34 m) et à la finesse des supports.
Le dispositif tournant du chœur, caractérisé par un resserrement de l'écart des supports, est une autre des réussites de cet ensemble architectural remarquable.
À ne pas manquer si vos pérégrinations vous mènent à Barcelone!
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